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Pyrrhus voyant la tempête et le flot confus qui l’environnaient, arracha la couronne qui surmontait son casque et le faisait reconnaître, et la donna à un de ses amis. Ensuite, confiant dans la vigueur de son cheval, il se précipita sur ceux des ennemis qui le suivaient et il reçut un coup de javeline à travers sa cuirasse. La blessure n’était pourtant pas mortelle, ni même profonde. Il se retourne contre celui qui l’avait frappé : c’était un Argien non point des classes élevées, mais fils d’une pauvre et vieille femme. Or, cette femme se trouvait, comme les autres Argiennes, à regarder le combat du haut de sa maison ; lorsqu’elle reconnut son fils aux mains avec Pyrrhus, éperdue à la vue du danger qu’il courait, elle saisit à deux mains une tuile et la lança sur Pyrrhus. La tuile l’atteignit à la tête ; elle tomba sur le casque et froissa les vertèbres à la naissance du cou. La vue de Pyrrhus se trouble, ses mains laissent échapper les rênes ; porté à terre, il tombe, inconnu de la foule, près du tombeau de Licymnius. Cependant Zopyre, un des gens d’Antigonus, et deux ou trois autres accoururent ; et, l’ayant reconnu, ils le traînèrent sous un vestibule. Comme il commençait à revenir de son étourdissement, Zopyre tirait son glaive illyrien pour lui couper la tête ; en ce moment Pyrrhus lui lança un regard si terrible, que Zopyre en fut effrayé : ses mains tremblent, il veut pourtant frapper, mais le trouble et l’agitation où il est l’empêchent de frapper juste ; le coup porte entre la bouche et le menton, et ce n’est qu’après bien du temps et de la peine qu’il parvient à séparer la tête.

Déjà le fait était connu de plusieurs, lorsque Alcyonée accourut, et demanda la tête pour la reconnaître. Il la saisit, et, poussant aussitôt son cheval, il la porta à son père qu’il trouva assis avec ses amis, et la jeta devant lui. Antigonus l’ayant considérée et reconnue, chassa son fils, en le frappant du bâton qu’il tenait à la main, et en