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bienveillance des dieux envers Timoléon ne se montra pas moins admirable dans ses revers que dans ses prospérités.

Mais le peuple de Syracuse supportait avec peine les railleries des tyrans sur le dernier échec. Mamercus, qui se piquait de composer de beaux poëmes, et d’exceller dans la tragédie, faisait sonner bien haut sa victoire sur les mercenaires. Il suspendit dans les temples les boucliers des vaincus, avec cette inscription insultante, en vers élégiaques :

Ces boucliers tout éclatants de pourpre, d’or et d’ivoire,
C’est avec des boucliers sans valeur que nous les avons pris.

Pendant que ces choses se passaient, Timoléon était occupé au siège de Calaurie[1]. Icétas saisit ce moment pour entrer en armes sur le territoire de Syracuse, où il fit un horrible dégât, et exerça toutes sortes de violences. Il se retira avec un butin considérable, et passa tout près de Calaurie, pour braver Timoléon, qui n’avait qu’une troupe peu nombreuse. Timoléon le laissa passer, puis se mit à sa poursuite avec sa cavalerie et ses troupes légères. Icétas, averti de sa marche, traversa le Damyrias, et s’arrêta sur l’autre bord, dans le dessein de disputer le passage à Timoléon : la rapidité du courant et les bords escarpés du fleuve lui inspiraient cette audace. Le combat fut retardé quelque temps par suite de l’empressement merveilleux des officiers de Timoléon, et d’une rivalité d’honneur qui s’était élevée entre eux. Aucun d’eux ne voulait marcher le dernier à l’ennemi ; tous prétendaient combattre au premier rang ; et le passage s’opérait avec confusion, tous s’entre-poussant les uns les autres, et cherchant à se devancer mutuellement. Timoléon se

  1. On ignore aussi la position de cette Calaurie.