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ville toute pleine de sang et de cadavres, et un aigle qui se jetait au milieu de la mêlée, et puis disparaissait.

Au milieu de la nuit, Pyrrhus joignit les murailles ; et, trouvant ouverte par Aristéas la porte appelée Diampérès[1], il y fit glisser sans bruit ses Gaulois, qui se saisirent de la place publique avant qu’on s’aperçût de rien. Mais la porte était trop basse pour les éléphants ; il fallut leur ôter et ensuite remettre leurs tours dans l’obscurité et dans le désordre, ce qui fit perdre du temps ; et les Argiens s’aperçurent de ce qui se passait. Ils coururent vers l’Aspis[2] et les autres points fortifiés de la ville, et envoyèrent demander secours à Antigonus. Celui-ci vint aussitôt, et, se plaçant en observation hors des murs, il y jeta un fort détachement sous les ordres de ses lieutenants, et de son fils. Aréus arriva aussi avec mille Crétois et les Spartiates les plus agiles ; et tous, fondant en même temps sur les Gaulois, les mirent dans un grand désordre. Cependant Pyrrhus entrait par le Cylarabis[3] en poussant le cri de combat ; mais, comme les Gaulois ne répondaient point à ses cris avec force et confiance, il conjectura à leurs voix qu’ils étaient troublés et pressés vivement, et il hâta le pas, poussant devant lui ses cavaliers qui faisaient avancer leurs chevaux difficilement et avec beaucoup de danger à travers les canaux d’égouts dont la ville est remplie. Il était impossible, dans un combat de nuit, de voir ce que l’on faisait, et d’entendre les commandements : on s’égarait, on se séparait dans les rues, l’habileté des généraux ne pouvait rien au milieu de l’obscurité, des cris confus, dans des lieux resserrés ; de sorte que des deux côtés on resta dans l’inaction en attendant le jour.

  1. Ce mot signifie d’outre en outre.
  2. Ce mot signifie bouclier.
  3. C’était un gymnase à quelques pas hors des murs de la ville. Suivant Pausanias, le nom qu’il portait était celui d’un fils de Sthénélus.