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par les espérances dont il se berçait, ce qu’il avait acquis par ses exploits, et qui, ambitieux de ce qu’il n’avait pas, ne savait pas conserver ce qu’il avait en s’arrêtant au point convenable. C’est pour cela qu’Antigonus le comparait à un joueur de dés qui fait de beaux, et bons coups, mais qui ne sait pas profiter de ses chances.

De retour en Épire avec huit mille fantassins et cinq cents cavaliers, et n’ayant pas d’argent, il allait cherchant quelque nouvelle guerre qui lui donnât le moyen de les nourrir. Renforcé d’une troupe de Gaulois qui vinrent le joindre, il se jeta sur la Macédoine, où régnait alors Antigonus, fils de Démétrius : c’était uniquement pour la piller et faire du butin. Mais, quand il y eut pris quelques villes, et que deux mille soldats se furent rangés sous ses ordres, il conçut de plus hautes espérances, et marcha sur Antigonus. Il l’attaqua auprès des Stènes[1], et mit toute son armée en désordre ; mais un nombreux corps de Gaulois, qui formaient l’arrière-garde d’Antigonus, opposèrent une résistance vigoureuse ; et il se livra sur ce point un combat acharné. La plupart se firent tuer ; mais les conducteurs d’éléphants, se trouvant coupés, se rendirent, eux et leurs bêtes, ce qui ajouta aux forces de Pyrrhus. Alors, conduit par la fortune bien plus que par le raisonnement, il pousse à la phalange macédonienne, toute remplie de trouble et de frayeur par la défaite d’une partie de l’armée, tellement qu’elle refusait d’attaquer Pyrrhus et de le combattre. Lui, de son côté, leur tendit la main, appelant les généraux et les chefs de corps ; et il détacha d’Antigonus toute son infanterie à la fois. Celui-ci prit la fuite, et ne conserva que quelques places maritimes. Après un tel succès, Pyrrhus, pensant que ce qu’il y avait de plus glorieux pour lui

  1. Ce mot signifie les défilés. C’était un passage étroit près d’Antigonée, à l’entrée de l’Épire.