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ginois, et leur écrivirent d’envoyer une nouvelle armée et un général, s’ils ne voulaient pas se voir chassés de toute la Sicile. Giscon mit à la voile avec une flotte de soixante-dix navires, et des mercenaires Grecs qu’il avait pris à sa solde. C’était la première fois que les Carthaginois prenaient des Grecs à leur service ; mais ils venaient d’admirer la valeur de ces hommes, et les regardaient comme les plus invincibles soldats et les plus vaillants qu’il y eût au monde. Le rendez-vous fut à Messine, où d’abord ils égorgèrent quatre cents soldats étrangers, que Timoléon avait envoyés au secours de la ville. Ensuite, ayant placé une embuscade sur les terres qui appartenaient à Carthage près d’un lieu appelé Hières[1], ils firent main basse sur les mercenaires, que commandait Euthymus le Leucadien.

Ces événements ne firent que donner plus d’éclat aux heureux succès de Timoléon. En effet, ces soldats d’Euthymus étaient de ceux qui, avec Philodème le Phocéen et Onomarchus, s’étaient emparés de Delphes, et avaient été les complices du pillage du temple. Devenus l’objet de la haine publique, et fuis de tout le monde comme gens maudits, ils erraient par le Péloponnèse, où Timoléon, faute d’autres troupes, les avait pris à sa solde. Arrivés en Sicile, ils furent vainqueurs dans tous les combats qu’ils livrèrent sous ses ordres ; mais, après les grandes victoires et les grands résultats obtenus, ils périrent, et furent entièrement détruits ; non pas tous à la fois, mais par troupes séparées, dans les petites expéditions où les employait le général. Leur punition avait été différée, par un juste dessein de la divinité, jusqu’au succès définitif de Timoléon, afin que le châtiment des méchants ne fût pas préjudiciable aux bons. Ainsi la

  1. On ignore la position d’Hières ; et peut-être faut-il lire Hiètes, place forte qui était située à quelques lieues de Panorme.