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partie par partie, mais les villes conçurent pour lui une haine terrible : les unes se joignirent aux Carthaginois, les autres appelèrent les Mamertins au secours. Pyrrhus ne voyait partout que défections, révolutions ; c’était un soulèvement général. Sur ces entrefaites, il reçut des lettres par lesquelles les Samnites et les Tarentins lui apprenaient qu’ils avaient peine à résister, qu’ils étaient enfermés dans leurs villes sans plus pouvoir tenir la campagne, et qu’ils avaient besoin de son aide. Ce fut pour lui une heureuse occasion : en reprenant la mer, il n’eut pas l’air de s’enfuir et de renoncer à la Sicile ; mais, en réalité, impuissant à maîtriser la Sicile, non plus qu’un vaisseau agité par la tourmente, il ne cherchait qu’une occasion d’en sortir ; et il s’empressa de se rejeter sur l’Italie. On rapporte qu’en partant il dit à ceux qui l’entouraient, en regardant l’île : « Ô mes amis, quel champ de bataille nous laissons aux Carthaginois et aux Romains ! » Et il en arriva comme il l’avait conjecturé, et bien peu de temps après.

Les Barbares cherchèrent à l’arrêter au départ ; et il lui fallut combattre dans le détroit contre une flotte carthaginoise : il perdit dans la bataille beaucoup de ses vaisseaux ; il se sauva avec le reste en Italie. Les Mamertins, qui s’entendaient avec les Carthaginois, y avaient déjà fait passer au moins dix mille hommes ; cependant ils n’osèrent pas l’attaquer en rase campagne ; mais, postés dans les passages difficiles, ils le chargèrent dans sa marche, mirent toute son armée en désordre, tuèrent deux éléphants, et firent un grand carnage à l’arrière-garde. Pyrrhus accourut de la tête à la queue au secours des siens, et s’exposa à de grands dangers, en combattant contre des hommes exercés et pleins de courage. Blessé à la tête d’un coup d’épée, il fut forcé de se retirer un instant du champ de bataille, ce qui augmenta encore l’ardeur des ennemis. L’un d’eux, remarquable par sa