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Pyrrhus se saisit de leurs collecteurs d’impôts et les tua ; puis il leur livra bataille à eux-mêmes, les vainquit, et rasa plusieurs de leurs forts. Ensuite les Carthaginois, montrant des dispositions pacifiques, demandèrent paix et amitié, et offrirent de lui payer une somme d’argent et de lui envoyer des vaisseaux ; mais, comme il avait des prétentions plus élevées, il répondit qu’il n’y avait pour eux qu’un moyen de faire un traité de paix et d’amitié : c’était de renoncer à la Sicile, et de mettre pour limite entre eux et les Grecs la mer de Libye. Emporté par la prospérité et le cours non interrompu de ses succès, il poursuivait les espérances avec lesquelles il s’était d’abord embarqué. Il brûlait de s’emparer des côtes de la Libye ; il possédait bien un grand nombre de vaisseaux, mais fort mal équipés ; il leva des rameurs, et pour cela il ne traita plus les villes avec douceur et facilité, mais despotiquement, avec colère, violence et rigueur. Ce n’était plus ce roi que l’on avait vu d’abord plein d’affabilité, attirant à lui tout le monde, plus que ne l’avait jamais fait aucun autre, par des paroles gracieuses, par la confiance qu’il leur témoignait en tout, et se gardant bien de leur causer aucune contrariété. De démagogue il s’était fait tyran ; et sa dureté lui attirait la réputation d’homme ingrat et déloyal. Cependant, et quelque chagrin qu’ils en eussent, forcés par la nécessité, ils cédaient à ses exigences. Il y avait deux généraux à Syracuse, Thœnon et Sostratus, qui, les premiers, l’avaient invité à passer en Sicile, qui, à son arrivée, lui avaient aussitôt remis la ville entre les mains, et qui lui avaient été du plus grand secours dans tout ce qu’il avait fait en Sicile. Il ne les voulait pas emmener ni les laisser derrière lui, parce qu’il se défiait d’eux ; alors Sostratus, qui le craignait de son côté, s’éloigna de lui ; et Pyrrhus accusa Thœnon de méditer d’en faire autant, et le mit à mort. Dès ce moment ses affaires changèrent, non point peu à peu,