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pris ; mais le plus beau spectacle et le plus magnifique était dans la tente de Timoléon. Parmi les dépouilles de toute espèce dont on l’avait remplie, on y voyait mille cuirasses et dix mille boucliers, remarquables par le fini du travail et par l’éclat de la matière. Comme les Grecs n’étaient qu’en petit nombre, et que le butin était immense, ce ne fut guère que trois jours après le combat qu’ils purent dresser le trophée. Avec la nouvelle de la victoire Timoléon fit porter à Corinthe les plus belles armes qui se trouvèrent parmi le butin. Il voulait que sa patrie fût pour tout l’univers un objet d’admiration, en faisant qu’elle seule entre toutes les villes de la Grèce, elle offrît aux yeux ses plus beaux temples ornés, non des dépouilles des Grecs, non d’offrandes teintes du sang de leurs frères et de leurs concitoyens et réveillant d’attristants souvenirs, mais de dépouilles barbares, dont les inscriptions glorieuses attestaient la justice des vainqueurs autant que leur bravoure. « Les Corinthiens et Timoléon leur général, y était-il porté, ont délivré du joug des Carthaginois les Grecs qui habitaient la Sicile, et ont consacré aux dieux ce monument de leur reconnaissance. »

Timoléon laissa dans le pays ennemi ses soldats mercenaires, pour piller et ravager les terres des Carthaginois, et s’en retourna à Syracuse. Il bannit de la Sicile les mille mercenaires qui l’avaient abandonné au moment du combat, et leur enjoignit de sortir de Syracuse avant le coucher du soleil. Ces soldats passèrent en Italie, où ils furent trahis et massacrés par les Bruttiens : ce fut la divinité qui tira cette vengeance éclatante de leur lâche désertion.

Cependant Mamercus, tyran de Catane, et Icétas, animés par l’envie qu’ils portaient aux exploits de Timoléon, et peut-être par la crainte que leur inspirait cet irréconciliable ennemi des tyrans, se liguèrent avec les Cartha-