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corps nombreux de Lucaniens et de Samnites : il leur reprocha d’être venus trop tard ; mais on voyait bien qu’il était charmé et fier d’avoir défait, avec ses seules troupes et celles de Tarente, la grande armée romaine.

Cependant les Romains n’ôtèrent pas à Lévinus le commandement, malgré ce propos qu’on prête à Caïus Fabricius : que ce n’étaient pas les Romains qui avaient été vaincus par les Épirotes, mais Lévinus par Pyrrhus ; c’est-à-dire qu’il y avait eu défaite non point de l’armée, mais du général. On remplit le vide des rangs de bataille ; on s’empressa de faire de nouvelles levées ; et on parlait de la guerre avec tant de confiance et de fierté que Pyrrhus, étonné, crut devoir envoyer le premier vers eux pour les sonder et essayer d’entrer en négociation. Car il pensait que, prendre la ville et s’y établir en maître absolu, ce n’était pas chose facile, et dont il put venir à bout avec les forces dont il pouvait disposer ; tandis qu’un traité de paix et d’amitié ajouterait grandement à l’honneur de sa victoire. Il leur députa donc Cinéas ; et celui-ci se rendit auprès des principaux de la ville et offrit à leurs enfants et à leurs femmes des présents de la part du roi. Aucun n’accepta ; et tous, femmes et enfants, répondirent que si le traité public avait lieu, ils feraient tout pour témoigner au roi leur bon vouloir et leur gratitude. Cinéas prononça ensuite devant le Sénat un discours persuasif et tout plein de beaux sentiments ; mais on n’en parut nullement touché, on n’en voulut rien entendre, quoique Pyrrhus proposât de rendre sans rançon les hommes qui avaient été faits prisonniers dans la bataille et d’aider Rome à conquérir l’Italie, et qu’en retour il demandât seulement amitié pour lui, sûreté pour les Tarentins, et rien de plus. Il était bien évident toutefois qu’une foule de sénateurs inclinaient pour la paix, à cause d’une grande défaite déjà essuyée, et