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avec lui. Longtemps le combat fut indécis, et l’on dit que sept fois les deux armées plièrent et reprirent l’offensive tour à tour. Le changement d’armure, qui avait été pour un moment utile au salut du roi, faillit tout perdre et lui enlever la victoire ; car plusieurs se jetèrent sur Mégaclès, et un nommé Dexoüs, l’ayant d’abord frappé et renversé, lui enleva le casque et la chlamyde, et poussa son cheval vers Lévinus, en les lui montrant et en criant qu’il avait tué Pyrrhus. À la vue de ces dépouilles qu’il portait et montrait par les rangs, les Romains poussèrent des cris de joie, et les Grecs consternés perdaient courage. Mais Pyrrhus, informé de ce qui se passait, accourut à cheval devant les siens, le visage découvert, leur faisant signe de la main, et se faisant reconnaître par la voix. À la fin, les éléphants rompirent les Romains, dont les chevaux, même de loin, se cabraient à la vue de ces animaux, et emportaient leurs cavaliers. Pyrrhus, profitant du désordre, fit donner la cavalerie thessalienne, mit les ennemis en déroute, et leur tua beaucoup de monde.

Denys[1] rapporte que les Romains ne perdirent guère moins de quinze mille hommes ; Hiéronyme[2] dit seulement sept mille : suivant Denys, Pyrrhus perdit treize mille hommes ; et, suivant Hiéronyme, moins de quatre mille. Mais c’étaient les plus braves de ses amis et de ses généraux, ceux qu’il aimait le plus à employer, et en qui il se fiait le plus. Cependant il s’empara du camp que les Romains avaient abandonné, attira à lui plusieurs des villes de leurs alliés, dévasta une grande étendue de territoire, et s’avança jusqu’à moins de trois cents stades de Rome[3]. Il lui arriva, après la bataille, un

  1. C’est l’historien Denys d’Halicarnasse.
  2. Historien grec dont il ne reste rien.
  3. Quinze lieues environ.