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soudain à la tête des siens. Il était aisé de le reconnaître à la beauté, à l’éclat, à la magnificence extrême de son armure, et à ses actions qui prouvaient que sa valeur réelle n’était pas au-dessous de sa réputation ; et surtout parce que, tout en payant de sa personne au fort de la mêlée et en repoussant vigoureusement tout ce qui se présentait à lui, il ne perdit rien de sa présence d’esprit : il ne cessait de penser à tout ; et, comme s’il eût observé l’affaire de loin, il dirigeait les charges, et courait lui-même çà et là pour soutenir ceux qu’il voyait plier.

Cependant Léonnatus le Macédonien avait remarqué un Italien qui s’attachait à Pyrrhus et qui suivait à cheval toutes ses courses, tous ses mouvements : « Roi, dit-il, vois-tu ce cavalier barbare qui a un cheval noir aux pieds blancs ? Il paraît méditer quelque grand et mauvais dessein ; car il ne te perd pas de vue, l’œil fixé sur toi, impatient et plein de feu, et ne s’attaque à aucun autre. Défie-toi de cet homme. — Pyrrhus répondit : La destinée est inévitable ; mais ni celui-ci, ni tout autre Italien ne se réjouira d’en être venu aux mains avec nous. » Ils parlaient encore lorsque l’Italien, prenant sa lance par le milieu et ramassant son cheval, fondit sur Pyrrhus : il perça de sa lance le cheval du prince ; mais en même temps le sien fut frappé par Léonnatus. Les deux chevaux tombèrent ; mais Pyrrhus fut entouré et enlevé par ses amis, qui tuèrent l’Italien. Cet homme se défendit vaillamment ; il était de Férentum, il commandait un escadron de cavalerie, et se nommait Oplacus.

Ceci apprit à Pyrrhus à se mieux tenir sur ses gardes. Alors voyant la cavalerie bien engagée, il fit venir sa phalange et la mit en bataille ; et lui-même donnant sa chlamyde et son armure à Mégaclès, un de ses amis, et s’étant, pour ainsi dire, déguisé sous l’armure de celui-ci, il chargea les Romains, qui le reçurent et s’engagèrent