Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/364

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pas encore arrivées, pensant toutefois qu’il serait dangereux d’attendre plus longtemps et de laisser impunément les ennemis s’avancer plus loin, il se mit en campagne avec son armée. Il avait d’abord envoyé un héraut aux Romains, demandant qu’il leur fût agréable, avant qu’on poussât plus loin les hostilités, d’accepter satisfaction de la part des Grecs d’Italie, en le prenant pour arbitre et médiateur ; et Lévinus avait répondu que les Romains ne voulaient point de Pyrrhus pour médiateur, et qu’ils ne le craignaient point pour ennemi. Alors il se porta en avant, et campa dans la plaine qui s’étend entre Pandosie et Heraclée. Informé que les Romains campaient près de lui de l’autre côté du Siris, il s’avança à cheval vers la rivière pour les reconnaître. Après avoir considéré leurs postes, leur ordonnance, la disposition et l’assiette de leur camp, il dit avec étonnement à celui de ses amis qui était le plus près de lui : « Megaclès, voici une ordonnance de Barbares qui n’est pas du tout barbare ; au reste, nous les verrons à l’œuvre. » Depuis ce moment il devint plus soucieux de l’avenir, et il résolut d’attendre les alliés. Cependant il établit en deçà de la rivière un détachement chargé de s’opposer aux Romains, s’ils tentaient auparavant le passage. En effet, ceux-ci, pour prévenir l’arrivée des forces qu’il avait résolu d’attendre, se hâtèrent d’opérer le passage, l’infanterie à gué, et la cavalerie sur plusieurs points à la fois, de manière que les Grecs se retirèrent craignant d’être enveloppés. À cette nouvelle, Pyrrhus, surpris et troublé, ordonna à ses généraux de ranger aussitôt son infanterie en bataille et d’attendre ses ordres sous les armes ; et il partit lui-même avec trois mille chevaux, espérant trouver encore les Romains occupés à passer la rivière, dispersés et en désordre. Mais lorsqu’il vit les milliers de boucliers qui brillaient au-dessus de la rivière, et la cavalerie qui s’avançait en bon ordre, il fit serrer les rangs, et chargea