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cela, renoncèrent à venir aux assemblées. Cependant, le jour où l’on devait voter sur cette proposition, tandis que le peuple était assemblé, un citoyen de mœurs honnêtes, nomme Méton, prit une couronne de fleurs fanées et un petit flambeau, à la manière des gens ivres, et, se faisant précéder d’une joueuse de flûte, il s’en alla tout en dansant à l’assemblée. Là, comme il arrive dans un populaire libre et sans ordre, les uns battirent des mains à ce spectacle, les autres se mirent à rire ; et personne ne l’arrêta. Au contraire, tous crièrent à la femme de jouer de sa flûte, et à lui de s’avancer au milieu de l’assemblée et de chanter. On croyait qu’il allait le faire ; mais, le silence s’étant établi : « Tarentins, dit-il, c’est bien fait à vous de n’être pas jaloux de ceux qui veulent s’amuser et faire la débauche, tandis qu’ils en ont encore la faculté. Et si vous êtes sages, vous jouirez encore, tous tant que vous êtes, de votre liberté ; car vous aurez bien d’autres affaires, et il vous faudra vivre et agir tout différemment, lorsqu’une fois Pyrrhus sera entré dans la ville. » Ces paroles firent impression sur plusieurs des Tarentins, et une rumeur d’approbation courait par l’assemblée. Mais ceux qui craignaient les Romains et qui appréhendaient de leur être livrés si l’on faisait la paix, reprochèrent vivement au peuple de se laisser si bonnement moquer par un effronté ivre de vin et de débauche ; et, se jetant sur Méton, ils le chassèrent.

Le décret fut adopté, et des députés se rendirent en Épire, non pas seulement au nom des Tarentins, mais encore au nom de tous les Grecs d’Italie, portant à Pyrrhus des présents, et chargés de lui dire qu’ils avaient besoin d’un général expérimenté et renommé. L’Italie, ajoutaient-ils, disposait de forces considérables dans la Lucanie et la Messapie, chez les Samnites et les Tarentins ; l’armée montait à vingt mille cavaliers et trois cent cinquante mille fantassins. Ces nouvelles remplirent