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nuit même de son départ, il crut voir pendant son sommeil Alexandre le Grand qui l’appelait ; il s’approcha et vit le prince alité. Alexandre lui parla avec bienveillance et affection, et lui promit de le secourir avec zèle. Pyrrhus se hasarda à lui dire : « Mais comment, ô roi, malade comme tu l’es, pourras-tu me secourir ? — Par mon seul nom, » répondit Alexandre ; et, montant sur un cheval niséen[1], il lui montrait la route. Cette vision affermit Pyrrhus dans sa résolution ; il s’avança avec célérité, franchit au pas de course tout l’espace qui le séparait de Béroé, prit la ville d’emblée, y logea la plus grande partie de ses troupes, et envoya le reste tenir la campagne sous les ordres de ses généraux. Ce qu’apprenant, et remarquant dans son armée une agitation mauvaise, Démétrius n’osa aller plus loin, de crainte que ses soldats, en se voyant près d’un roi né Macédonien et couvert de gloire[2], ne passassent de son côté. Il revint donc sur ses pas, et les conduisit contre Pyrrhus, qui était étranger, et odieux à la Macédoine. Cependant, lorsque les deux camps furent en présence, il arriva de Béroé une foule de gens qui faisaient l’éloge de Pyrrhus, disant que c’était un guerrier illustre, invincible dans les combats, doux et humain après la victoire. Il y en avait d’apostés par Pyrrhus, qui, se donnant pour Macédoniens, disaient que le moment était venu de secouer le joug pesant de Démétrius, et de se tourner vers un homme ami du peuple et des soldats, vers Pyrrhus. Aussi la plus grande partie de l’armée était-elle ébranlée ; et l’on cherchait Pyrrhus des yeux. Par hasard il venait d’ôter son casque ; mais, cette pensée l’ayant frappé, il le remit, et aussitôt

  1. Ces chevaux niséens provenaient de la prairie Hippobote, dans la Médie, proche des portes Caspiennes : c’étaient ceux que préférait Alexandre, et, à son exemple, les autres rois.
  2. Lysimachus.