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L’un d’eux, encore enfant, lui demandait auquel de ses fils il laisserait ses États : « À celui, répondit le père, qui aura l’épée la mieux aiguisée. » Parole qui ne diffère guère de l’imprécation dramatique[1] :

Que le fer aiguisé décide entre les deux, frères de la possession de l’héritage !

Tant le désir de posséder est insociable et farouche !

Pyrrhus, après ce combat, rentra dans ses États, plein de gloire, de joie et d’une noble fierté ; les Épirotes le surnommèrent l’Aigle. « C’est par vous, leur disait-il, que je suis un aigle. Comment n’aurais-je pas été enlevé sur vos armes comme sur des ailes rapides ? » Peu de temps après, ayant appris que Démétrius était dangereusement malade, il fondit tout à coup sur la Macédoine, dans l’intention seulement de courir le pays et de faire du butin ; et peu s’en fallut qu’il ne se rendît maître de tout, et ne s’emparât du royaume sans coup férir ; il poussa jusqu’à Édesse sans rencontrer aucune résistance ; et beaucoup même des habitants se joignaient à lui et marchaient sous ses ordres. Le danger força Démétrius de se mettre en mouvement, malgré sa faiblesse ; et ses amis et ses généraux, ayant rassemblé en peu de temps des forces imposantes, se portèrent vigoureusement et avec résolution contre Pyrrhus. Comme il n’était venu qu’en coureur, il ne les attendit point ; mais, dans sa retraite précipitée, il perdit une partie de ses gens, parce que les Macédoniens lui couraient sus par le chemin. Mais pour l’avoir si facilement et si vite chassé de ses terres, Démétrius ne laissa pas cependant de s’occuper de Pyrrhus. Ayant résolu de tenter de grandes entreprises et de recouvrer, à la tête de cent mille hommes et de cinquante

  1. Dans les Phéniciennes d’Euripide. C’est Jocaste qui rapporte les imprécations d’Œdipe contre son fils.