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il le renversa ; et il allait l’achever, lorsque les amis de Pantauchus l’arrachèrent de ses mains. Les Épirotes, fiers de la victoire de leur roi, et saisis d’enthousiasme à l’aspect de sa vaillance, forcèrent les lignes des Macédoniens, rompirent la phalange, et, se mettant à la poursuite des fuyards, ils en tuèrent un grand nombre et en firent prisonniers cinq mille.

Cette affaire excita chez les Macédoniens moins de colère contre Pyrrhus et de ressentiment pour le mal qu’il leur avait fait que d’estime et d’admiration pour sa valeur. Ceux qui s’étaient trouvés à cette bataille allaient racontant ses exploits, dont ils avaient été témoins ; ils trouvaient en lui le port, la vivacité, la démarche d’Alexandre : ils croyaient voir dans sa manière une image, une ombre de la force irresistible de leur héros, de son impétuosité dans les combats. Les autres rois ne leur montraient d’Alexandre que la pourpre, les gardes, une certaine inclinaison du cou, des expressions hautaines ; Pyrrhus seul représentait Alexandre par la force de ses armes et de son bras. Quant à ses connaissances et à son habileté dans la tactique et la conduite des armées, on en trouve des preuves dans les écrits qu’il a laissés sur cette matière. On demandait à Antigonus quel était, selon lui, le plus habile capitaine, et il répondit : « Pyrrhus, s’il vieillit. » Il ne s’agissait là que des contemporains. Mais Annibal le mettait au-dessus de tous les capitaines de tous les temps, lorsque, comme nous l’avons rapporté dans la Vie de Scipion[1], il donna le premier rang à Pyrrhus pour l’expérience et l’habileté militaire, le second à Scipion, et à lui-même le troisième. Pyrrhus n’aimait à s’occuper et à parler que de la science de la guerre ; il la regardait comme la seule digne d’un roi, et il méprisait toutes les autres comme futiles. Un jour on lui demandait à table

  1. Cette Vie n’existe plus.