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ce temps à Rome, Scipion l’Africain et Marcus Caton, étaient en guerre ouverte l’un contre l’autre. Titus choisit Scipion pour prince du Sénat, comme le plus vertueux des hommes et le premier de tous ; mais il se brouilla avec Caton à l’occasion suivante[1].

Titus avait un frère, nommé Lucius Flamininus, d’un caractère différent du sien sous tous les rapports ; c’était d’ailleurs un homme livré aux plus infâmes débauches, et qui foulait aux pieds toute pudeur. Il avait avec lui un jeune homme qu’il aimait éperdument, et qu’il menait toujours à sa suite lorsqu’il allait faire la guerre ou commander dans une province. Un jour, dans un banquet, le jeune homme voulant flatter Lucius : « Je t’aime à ce point, dit-il, que j’ai laissé, pour courir à toi, un spectacle de gladiateurs, quoique je n’eusse pas encore vu égorger un homme ; mais j’ai sacrifié ma propre satisfaction au désir de te plaire. » Alors Lucius, tout joyeux : « N’aie point de regret à ce plaisir, dit-il ; je contenterai ton envie. » Et il ordonne qu’on amène de la prison un condamné à mort ; il fait venir le licteur et lui commande de trancher la tête au condamné dans la salle du banquet. Valérius d’Antium dit que ce fut pour une jeune fille qu’il aimait, et non point pour un jeune homme que Lucius eut cette affreuse complaisance. Suivant Tïte Live, Caton lui-même aurait écrit dans son discours à ce sujet que la victime était un transfuge gaulois : il se serait présenté dans ce moment à la porte de Lucius avec sa femme et ses enfants, et Lucius l’aurait fait entrer dans la salle du banquet et l’aurait tué de sa propre main pour faire plaisir au jeune homme. Mais il est vraisemblable que ce n’était là qu’une circonstance imaginée par Caton pour donner plus de poids

  1. L’histoire que va conter Plutarque se trouve déjà dans la Vie de Marcus Caton, presque dans les mêmes termes.