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sait, monta sur une éminence qui se trouvait hors de son camp, sans s’apercevoir qu’il était sur un lieu de sépulture où l’on avait enterré plusieurs morts. Il commençait à haranguer ses troupes, et à leur dire tout ce qui est d’usage en pareille occasion ; mais, comme il vit que tous étaient saisis d’un profond découragement, à raison de l’augure sinistre du lieu d’où il parlait, il se tut, tout bouleversé lui-même, et ne voulut point combattre ce jour-là.

Le lendemain, à l’aube, après une nuit humide et pluvieuse, les nuages s’étant épaissis en brouillard, toute la plaine fut couverte d’une profonde obscurité ; et dès que le jour parut, le brouillard descendit des montagnes, se répandit sur tout l’espace qui était entre les deux camps, et en déroba entièrement la vue. Les détachements que les deux armées avaient envoyés pour reconnaître les lieux et s’emparer de quelques postes, s’étant bientôt rencontrés, combattirent près des Cynoscéphales, comme on les appelle, qui sont un certain nombre de petites collines terminées en pointe, placées les unes devant les autres, et qui doivent leur nom à leur ressemblance avec des têtes de chien. Cette escarmouche eut des vicissitudes, comme il était naturel dans des lieux difficiles : chaque parti fuyait et poursuivait à son tour, et des deux camps on envoyait continuellement du secours à ceux qui étaient pressés et qui reculaient : puis, l’air en s’éclaircissant laissa voir ce qui se passait ; et l’on en vint aux mains avec toutes les forces des deux armées. Philippe lança des hauteurs la phalange de son aile droite sur les Romains, et les fit plier sous le poids de ce front de bataille, couvert de boucliers serrés l’un contre l’autre, et tout hérissé de longues piques. Mais, à son aile gauche, les rangs se trouvaient séparés et rompus par les enfoncements qui formaient l’intervalle des collines. Titus laisse cette aile, qui était déjà vaincue ; et, passant rapi-