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autres corps marchaient sur les côtés, faisant à l’envi des efforts extraordinaires, et l’engageant, avec une vive ardeur, dans ces âpres sentiers, lorsque le soleil, en se levant, laisse apercevoir au loin une fumée, peu apparente d’abord, et semblable à un brouillard des montagnes. Les ennemis ne pouvaient la voir, parce qu’elle s’élevait de derrière eux, les hauteurs étant déjà occupées. Les Romains, fatigués du combat et des difficultés de leur marche, espérèrent, tout incertains qu’ils fussent de la vraie cause de cette fumée, que c’était ce qu’ils désiraient. Mais quand elle se fut épaissie au point d’obscurcir l’air, et qu’ils la virent monter en gros tourbillons, ils ne doutèrent plus que ce ne fût un signal ami. Ils se jettent sur les Macédoniens d’un élan rapide et terrible, en poussant le cri de guerre, et les acculent dans les endroits les plus âpres et les plus escarpés, tandis que la troupe qui occupait le sommet des montagnes répondait par ses cris à leur clameur guerrière. En un instant la déroute des ennemis fut complète ; mais il n’y en eut pas plus de deux mille de tués, parce que la difficulté des lieux ne permit pas de les poursuivre.

Les Romains pillèrent leur camp, prirent les tentes et les esclaves, et s’emparèrent des défilés. Ils traversèrent l’Épire avec tant d’ordre et de retenue, que, malgré l’éloignement où ils étaient de leur flotte et de la mer, quoiqu’ils n’eussent pas reçu leur ration de blé mensuelle, et qu’ils n’eussent pas d’argent pour s’en procurer, ils n’enlevèrent cependant rien dans un pays où tout était en abondance. C’est que Titus savait que Philippe traversait la Thessalie comme un fuyard, forçant les habitants de quitter leurs demeures pour se retirer dans les montagnes, brûlant les villes, livrant au pillage les richesses que leur poids ou leur quantité ne permettait pas d’emporter, et abandonnant déjà, pour ainsi dire, la contrée aux Romains ; il se fit un point