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soldats qui avaient défait, sous les ordres de Scipion, Asdrubal en Espagne et Annibal en Afrique, trois mille hommes encore en état de servir et pleins d’ardeur, et qui devaient donner, pour ainsi dire, la trempe à son armée ; il s’embarqua, et arriva heureusement en Épire. Il trouva Publius campé en présence de Philippe, lequel depuis longtemps gardait les défilés qui sont le long de l’Apsus[1], tandis que le général romain restait sans rien faire, arrêté par la difficulté des lieux.

Titus prit le commandement de l’armée, et, après avoir envoyé Publius à Rome, il se mit à reconnaître le pays. Il n’est pas moins fort d’assiette que celui de Tempé[2] ; mais il n’a pas, comme ce dernier, des arbres magnifiques, des forêts verdoyantes, des retraites et des prairies délicieuses. Il est fermé, à droite et à gauche, d’une longue chaîne de hautes montagnes, dont les racines forment une gorge large et profonde, que traverse l’Apsus, fleuve assez semblable au Pénée, et pour l’aspect et pour la rapidité. L’Apsus couvre de ses eaux tout l’espace situé entre les pieds des montagnes, à l’exception d’un chemin étroit taillé dans le roc, le long du courant, et si escarpé qu’une armée y pouvait passer difficilement, ne fût-il même pas gardé ; et, pour peu qu’il fût défendu, parfaitement impraticable. Quelques-uns conseillaient à Titus de faire un circuit par la Dassarétide[3], près de Lyncus[4], où l’on trouverait un chemin large et facile. Mais il craignit de s’exposer à manquer de vivres, en s’éloignant de la mer pour se jeter dans un pays

  1. Suivant Tite-Live, il était campé près du fleuve Aoüs.
  2. Tempé, ou plutôt les Tempés, sont ces vallées de Thessalie, célèbres chez les poètes, que le fleuve Pénée forme dans son cours à travers les montagnes.
  3. C’est un canton de la Macédoine.
  4. C’est le nom d’une ville mentionnée assez souvent par les auteurs.