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mière, et, debout près de lui, l’homme qui tenait la coupe de poison, il se releva avec peine, à cause de sa faiblesse, et se mit sur son séant. Il prit la coupe, et lui demanda s’il savait quelque chose des cavaliers, et particulièrement de Lycortas[1]. L’homme lui répondit qu’ils avaient échappé pour la plupart ; alors il fit un signe de tête, et, le regardant avec douceur : « À la bonne heure ! lui dit-il ; du moins nous n’avons pas été malheureux en tout. » Et, sans ajouter un mot, sans faire entendre un son, il vida la coupe, et se recoucha. Il ne donna pas beaucoup à faire au poison ; sa faiblesse était si grande qu’il ne tarda pas à s’éteindre.

Lors donc que le bruit de sa mort se répandit parmi les Achéens, ce fut dans toutes les villes un abattement, un deuil général. Les jeunes gens, et les magistrats réunis à Mégalopolis, décidèrent qu’il ne fallait nullement différer la vengeance ; et ils élurent général Lycortas. Aussitôt la Messénie fut envahie et la campagne horriblement dévastée, jusqu’à ce que les Messéniens, après délibération, ouvrirent leurs portes aux Achéens. Dinocratès s’était hâté de se donner la mort ; et ceux des autres qui avaient été d’avis que l’on fît périr Philopœmen, se tuèrent de leurs propres mains. Pour ceux qui avaient voulu de plus qu’on le mît à la torture, Lycortas les fit tous prendre, et les fit expirer sous les verges. On brûla le corps de Philopœmen sur le lieu ; et, lorsque ses restes recueillis eurent été déposés dans une urne, on partit de Messène. On marchait non pas en désordre, confusément, au hasard, mais c’était une pompe à la fois triomphale et funéraire. Ils allaient avec des couronnes sur la tête, mais des larmes dans les yeux ; on voyait des captifs chargée de chaînes, mais en même temps l’urne sépulcrale presque cachée sous une quantité de bandelettes et de cou-

  1. C’était le père de l’historien Polybe.