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Mantinée était encore toute récente, et la fête lui donnait du loisir : il se plut à déployer aux yeux des Grecs sa magnifique phalange. Elle exécuta tous les mouvements, toutes les évolutions avec sa vigueur, sa promptitude, et sa précision accoutumées. Ensuite, quand les musiciens se disputèrent le prix du chant, il entra au théâtre avec ses jeunes guerriers en chlamydes militaires, en tuniques de pourpre ; tous vigoureusement constitués, tous également dans la fleur de la jeunesse, ils témoignaient le plus profond respect pour leur chef, et l’on voyait sur leur visage une noble élévation de sentiments que leur inspiraient les combats déjà nombreux et honorables qu’ils avaient livrés. Le hasard voulut qu’au moment où ils entraient, le musicien Pylade, qui commençait à chanter, prononçât ce vers des Perses de Timothée[1] :

C’est moi qui orne la Grèce des splendides fleurons de la liberté.

La beauté de sa voix sonore et parfaitement appropriée à cette poésie sublime fit tourner les yeux des spectateurs de toutes les parties de l’assemblée sur Philopœmen : des applaudissements et des cris de joie éclatèrent. Les Grecs recouvraient en espérance leur ancienne dignité ; et la confiance qu’ils avaient dans leur force leur rendait presque la grande âme de leurs ancêtres.

Dans les combats et les dangers, semblable aux jeunes chevaux, qui regrettent leur cavalier ordinaire et qui s’épouvantent et s’effarouchent quand un autre les monte, l’armée des Achéens perdait courage si elle était commandée par un autre que Philopœmen : elle le cherchait des yeux ; et si seulement elle l’apercevait, aussitôt elle

  1. Poète et musicien, né à Milet, et qui florissait vers la fin du cinquième siècle avant notre ère. Ses Perses étaient probablement un poème dithyrambique.