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et un beau revenu ; il refusa parce qu’il se connaissait d’un caractère trop peu maniable et trop roide pour obéir. Cependant il ne voulait pas rester dans l’inaction et l’oisiveté ; aussi, pour se maintenir dans l’exercice et l’étude de l’art militaire, il s’embarqua pour une expédition en Crète. Là, il s’aguerrit encore en servant longtemps avec des hommes belliqueux, adroits, sobres d’ailleurs et modérés dans la manière de vivre ; et, quand il revint en Achaïe, sa réputation était si éclatante qu’on le proclama aussitôt commandant de la cavalerie. La cavalerie qu’on lui remettait entre les mains était composée d’hommes qui partaient quand venait une expédition, montés sur de misérables haridelles de rencontre ; encore avaient-ils soin de se soustraire à la plupart des expéditions en envoyant d’autres hommes à leur place ; et tous étaient d’une inexpérience complète jointe au manque de courage. Les chefs voyaient de tout temps le mal ; mais ils le négligeaient parce que les cavaliers jouissent chez les Achéens du plus grand pouvoir, et disposent à leur gré des récompenses et des châtiments.

Philopœmen ne montra nulle faiblesse, nulle condescendance : il se mit à parcourir les villes, prenant les jeunes gens un à un, éveillant en eux l’amour de l’honneur, usant de rigueur quand il le fallait ; et souvent il leur faisait faire des exercices, des parades, des petites guerres dans les endroits où il devait se trouver le plus de spectateurs. En peu de temps ils eurent acquis une vigueur et une ardeur étonnantes. Il les rendit si agiles, si prompts à exécuter les manœuvres, il les accoutuma si bien à faire conversion à droite ou à gauche par escadrons, demi-tour ou volte-face homme par homme, qu’à voir la facilité avec laquelle la troupe entière exécutait les évolutions, on eût dit un seul corps opérant un mouvement spontané.

Un jour, dans un grand combat qu’ils soutenaient sur