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rester les bras croisés à garder des maisons et des remparts vides ; il fuira bientôt, chassé par la solitude. » Ces paroles détournèrent les citoyens de leur première résolution ; mais ce fut pour Cléomène un prétexte de détruire et de renverser une grande partie de la ville, et de ne s’en aller que chargé de butin.

Dans la suite, le roi Antigonus vint au secours des Achéens et marcha avec eux contre Cléomène, qui occupait les hauteurs des environs de Sellasie[1] et tous les passages. Le roi rangea son armée en bataille près de lui, avec l’intention d’en venir aux mains et de le forcer dans ses positions. Philopœmen se trouva placé dans la cavalerie avec ses concitoyens à côté d’un corps nombreux et vaillant d’Illyriens, qui formaient la queue de l’année. Ordre leur était donné d’attendre en repos que le roi fit élever à l’autre aile une pièce d’étoffe de pourpre au bout d’une pique. Les officiers essayèrent d’enfoncer les Lacédémoniens à la tête des Illyriens, tandis que, dociles à l’ordre donné, les Achéens restaient à leur poste en réserve. Euclidas, frère de Cléomène, apprend ce mouvement qui sépare les ennemis ; et soudain, prenant les plus agiles de ses voltigeurs, il les jette sur les Illyriens, commandant qu’on les charge à dos, et qu’on les coupe de la cavalerie, dont ils se sont isolés. C’est ce qui arriva : les voltigeurs enveloppent les Illyriens et les mettent en désordre. Philopœmen s’aperçoit qu’il n’est pas difficile de tomber sur les voltigeurs, et que le moment est favorable ; il en confère d’abord avec les officiers du roi. Mais il n’inspire aucune confiance, on le regarde comme un fou, on méprise son avis ; car il n’avait pas encore une réputation assez grande et assez bien établie pour qu’on tentât sur sa parole un mouvement aussi important. Alors il entraîne sa troupe

  1. Ville de Laconie sur le fleuve Énus.