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cellente. Au rang de leurs actes publics ils mettaient l’éducation de Philopœmen, parce qu’ils avaient, par la philosophie, fait de cet homme la ressource commune de toute la Grèce. La Grèce l’avait enfanté après ses anciens capitaines, pour ressusciter leurs vertus ; et elle l’aima, comme un fruit tardif de sa vieillesse, d’un amour extrême ; et elle ajoutait à sa puissance à mesure qu’il ajoutait à sa gloire. Un Romain, pour faire son éloge, l’a appelé le dernier des Grecs : c’est-à-dire que la Grèce n’avait plus produit après lui un seul grand homme, un homme digne d’elle.

Il n’était pas laid de figure, comme quelques-uns le pensent : j’en juge d’après sa statue, qu’on voit aujourd’hui encore à Delphes. Quant à la méprise de son hôtesse de Mégare, on s’accorde à l’attribuer à la facilité d’humeur de Philopœmen, et à la simplicité de ses vêtements. Elle venait d’apprendre que le général des Achéens logerait chez elle, et elle était fort agitée, fort affairée à lui préparer à souper. Le hasard voulut que son mari se trouvât absent. Sur ces entrefaites, Philopœmen entre vêtu d’un manteau fort simple. Persuadée que c’est quelque valet ou avant-coureur : « À l’œuvre, dit-elle ; aide-moi. » Lui aussitôt de jeter son manteau et de fendre du bois. Arrive alors l’hôte, le mari qui, le voyant ainsi : « Qu’est ceci, Philopœmen ? dit-il. — Qu’est-ce, répondit-il, en dialecte dorien, sinon que je porte la peine de ma mauvaise mine ? » Titus[1] disait en le plaisantant sur sa conformation physique : « Philopœmen, que tu as de belles mains et de belles jambes ! mais tu n’as pas de ventre. » Il était en effet d’une taille fort grêle. Toutefois l’intention de cette plaisanterie s’adressait plutôt à son armée. Il avait une infanterie et une cavalerie excellentes, mais souvent il manquait d’argent. Tels sont les

  1. C’est Titus Flamininus, dont la Vie suit celle de Philopœmen.