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mier, attaque la ville du côté du fleuve Anapus : c’était le point le plus difficile à emporter. Il dirige contre l’Achradine la seconde division sous les ordres du Corinthien Isias ; la troisième, commandée par Dinarchus et Damarète, qui avaient amené le dernier secours de Corinthe, marche sur les Épipoles[1]. Ce triple assaut fut poussé avec un tel succès, que les troupes d’Icétas, pressées de tous les côtés, s’enfuirent dans une complète déroute. La prise de la ville, emportée de force en un instant, et la défaite des ennemis, ne doivent être attribuées, j’en conviens, qu’à la valeur des soldats et à l’habileté du général ; mais, qu’un tel exploit n’ait coûté ni la vie ni même une blessure à un seul Corinthien, c’est évidemment l’ouvrage particulier de la fortune de Timoléon : on dirait qu’elle a voulu rivaliser avec le courage du guerrier, et faire admirer, à ceux qui apprendraient cet événement, son rare bonheur, plus encore que ses hauts faits.

Non-seulement le bruit de cette magnifique conquête eut rempli en un instant la Sicile et l’Italie, mais en peu de jours il retentit dans toute la Grèce ; et la ville de Corinthe, qui ne comptait point encore que la flotte eût passé en Sicile, apprit en même temps et le passage heureux de ses soldats et leur victoire : tant leurs succès furent rapides ! tant la Fortune se plut à en relever l’éclat, par la promptitude de l’exécution !

Maître de la citadelle, Timoléon ne commit pas la faute de Dion, qui l’avait épargnée à cause de la beauté et de la magnificence de ses ouvrages ; il se préserva de l’atteinte du soupçon calomnieux qui s’était élevé contre Dion, et qui finit par le perdre : il invita, par une proclamation publique, tous les Syracusains à venir avec des ferrements, pour démolir les forteresses de la tyrannie.

  1. Le quartier haut de Syracuse.