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de quoi doter ses filles et se faire enterrer lui-même. La maison de Caton a fourni à Rome, jusqu’à la quatrième génération, des généraux et des consuls ; ses petits-fils et ses arrière-petits-fils furent revêtus des dignités les plus considérables ; tandis que les descendants de cet Aristide qui avait tenu le premier rang dans la Grèce se virent réduits, par l’excès de leur indigence, les uns à se faire interprètes de songes, les autres à vivre d’aumônes publiques, et que nul d’entre eux ne fit jamais ni ne pensa rien de grand, et qui répondît à la réputation de leur illustre aïeul.

Mais ce point pourrait être sujet à la contestation. En effet, la pauvreté n’est pas honteuse par elle-même, mais uniquement là où elle est une preuve de paresse, d’intempérance, de prodigalité et de folie : chez un homme sage, laborieux, juste, courageux, qui, dans l’administration publique, fasse paraître toutes les vertus, la pauvreté n’est que la marque d’un esprit élevé et d’un cœur magnanime. Il est impossible de faire de grandes choses, quand la pensée est toute à des choses mesquines ; ou de secourir les autres dans leurs besoins, quand on a soi-même des besoins de toute sorte. Une grande provision pour bien gouverner, ce n’est pas la richesse, mais la modération dans nos désirs : quand on sait se passer du superflu, on peut se livrer sans distraction au soin des affaires publiques. Dieu seul n’a absolument besoin de rien : la vertu humaine qui sait réduire le plus ses besoins, est donc la plus parfaite et la plus divine. Un corps bien constitué n’a besoin ni d’habits ni d’aliments superflus ; de même une vie et une maison saines s’entretiennent par les choses les plus communes. En général, il faut que notre avoir soit proportionné à nos besoins ; celui qui amasse beaucoup et dépense peu n’a donc pas ce qui lui suffit : s’il ne dépense pas ce qu’il possède, parce qu’il n’en a ni le besoin ni le désir, c’est folie ; s’il en a