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effets ordinaires de la richesse ; mais il mit ses soins prévoyants, autant que pas un législateur au monde, à faire jouir en abondance tous les citoyens des choses nécessaires et utiles ; car ce qu’il redoutait pour la république, c’était bien plus un homme pauvre, sans feu ni lieu, qu’un citoyen opulent et superbe. Or, Caton n’administra pas moins bien, ce semble, sa maison que la république ; car il augmenta son bien et enseigna aux autres l’économie et l’agriculture, dans les ouvrages où il a rassemblé sur ces objets une foule d’observations utiles. Pour Aristide, il a, par sa pauvreté, diffamé la justice même ; il a donné à croire qu’elle est la ruine des familles, la source de l’indigence, et qu’elle sert aux étrangers plutôt qu’à ceux qui la possèdent. Et pourtant Hésiode nous exhorte souvent à la justice et à l’économie, et il blâme la paresse, comme la source de l’injustice. Homère a dit sagement[1] :

… Ce que j’aimais, ce n’était ni le travail,
Ni ce soin de notre avoir, qui fournit à l’entretien de beaux enfants ;
J’aimais de tout temps les navires s’élançant sous l’effort des rames,
Et la guerre, et les javelots au bois poli, et les flèches ;

faisant entendre que ceux qui négligent leurs affaires domestiques s’enrichissent d’ordinaire par des voies injustes. Les médecins disent que l’huile est bonne aux parties extérieures du corps, et nuit aux parties intérieures : on ne peut pas dire de même de l’homme juste, qu’utile aux autres, il n’a soin ni de lui-même ni de ce qui est à lui. Par conséquent, la vertu politique d’Aristide a, de ce côté, quelque chose de défectueux, s’il est vrai, comme on le dit généralement, qu’il ne laissa pas

  1. Odyssée, XV, 222.