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de la victoire : il ouvrit aux Romains, pour atteindre Antiochus, une large voie à travers les défilés, et vint par les derrières attaquer le roi, qui ne songeait qu’aux ennemis qu’il avait en face. Cette victoire, qui fut évidemment l’ouvrage de Caton, chassa l’Asie de la Grèce, et en fraya, par suite, le chemin à Scipion[1].

Ainsi, tous les deux ils ont été invincibles à la guerre ; mais, dans le gouvernement, Aristide succomba aux intrigues de Thémistocle, qui le fit bannir par l’ostracisme. Caton, au contraire, ayant pour rivaux presque tous les plus puissants personnages et les plus considérables de Rome, et soutenant la lutte, comme un athlète, jusque dans une extrême vieillesse, se maintint toujours inébranlable. Souvent accusé, souvent accusateur devant le peuple, il fit condamner plusieurs de ses adversaires, et ne fut jamais condamné lui-même. Le rempart qui protégea sa vie, l’instrument qui fit ses succès, ce fut son éloquence : il lui dut, à mon avis, bien plus qu’à la Fortune ou à son bon Génie, la gloire de conserver jusqu’au bout sa dignité sans atteintes. Oui, c’est un glorieux témoignage qu’Antipater a rendu à Aristote, quand il a écrit, après la mort de ce philosophe, qu’il possédait, outre ses qualités, le talent de la persuasion. La vertu politique est, de l’aveu de tous, la plus parfaite que l’homme puisse posséder ; et c’est une opinion presque générale que l’économie n’en est pas une des moindres parties. En effet, la cité n’est qu’un assemblage de maisons, un tout formé de plusieurs parties ; la chose publique tire donc sa force des facultés particulières des citoyens. Lycurgue lui-même, en bannissant de Sparte l’or et l’argent, pour les remplacer par une monnaie de fer altérée au feu, ne voulut point par là interdire l’économie à ses concitoyens : il ne fit que supprimer le luxe, la corruption et l’orgueil,

  1. Lucius, surnommé l’Asiatique.