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l’orgueil de ses succès, l’autorité du Sénat, et entraîner par sa puissance toute la ville dans les divers partis où le poussait son caprice, voulait que la crainte qu’inspirerait Carthage fût comme un frein qui gourmandât l’audace de la multitude ; persuadé que les Carthaginois étaient trop faibles pour assujettir les Romains, mais trop forts pour être méprisés. Pour Caton, il trouvait dangereux que le peuple, avec ses passions échauffées, avec cette excessive puissance qui l’entraînait dans tant d’écarts, eût comme suspendue sur sa tête une ville de tout temps très-puissante, et aujourd’hui devenue sage par les malheurs dont elle avait été châtiée : il fallait donc ôter à Rome, pensait-il, toute crainte extérieure, si l’on voulait efficacement travailler à guérir les maladies intestines. Ce fut ainsi, dit-on, que Caton suscita la troisième et dernière guerre punique. Elle commençait à peine lorsqu’il mourut, après avoir prédit quel serait celui qui la terminerait : ce n’était alors qu’un jeune homme, encore tribun des soldats, mais qui déjà avait montré dans les combats autant de prudence que de courage. Lorsque les nouvelles de ses premiers exploits arrivèrent à Rome, Caton, en les entendant raconter, s’écria :

Il n’y a que lui de sage ; les autres ne sont que des ombres qui passent[1].

Scipion confirma bientôt cette prédiction par des faits.

Caton laissa, de sa seconde femme, un fils surnommé Saloninus, comme je l’ai dit ; et un petit-fils, né du fils qu’il avait perdu. Saloninus mourut étant préteur ; Marcus son fils parvint au consulat, et fut l’aïeul de Caton le philosophe[2], le plus illustre par sa vertu et sa gloire entre les hommes de son temps.

  1. Odyssée, X, 495.
  2. Caton le jeune ou d’Utique, dont Plutarque a écrit aussi la Vie.