Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/27

Cette page a été validée par deux contributeurs.

une ville si considérable et qui réunit tant d’avantages, et de placer dans notre voisinage des Carthaginois, les plus méchants et les plus sanguinaires des hommes, un ennemi contre lequel il serait à souhaiter qu’on eût plusieurs Siciles pour protéger la Grèce ? Croyez-vous qu’ils aient rassemblé et amené, des colonnes d’Hercule et de la mer Atlantique, une armée si puissante, et qu’ils s’exposent à tant de périls, pour assurer la domination d’Icétas ? Et lui, s’il eût eu le bon sens d’un général, il n’eût point chassé les pères de Syracuse pour attirer les ennemis dans sa patrie : il eût déféré aux conseils de Timoléon et des Corinthiens, et il eût obtenu d’eux honneur et autorité. »

Ces discours, répandus dans le camp par les mercenaires, firent soupçonner à Magon qu’on le trahissait. Il cherchait depuis longtemps un prétexte pour se retirer. Aussi Icétas eut-il beau le prier de rester, et lui faire voir de combien ils étaient supérieurs aux ennemis, Magon, persuadé qu’ils le cédaient bien plus à Timoléon en valeur et en fortune qu’ils ne l’emportaient sur lui par le nombre de leurs troupes, mit à la voile, et s’en retourna honteusement en Afrique, abandonnant, sans aucun motif raisonnable, la Sicile qu’il tenait entre ses mains. Timoléon parut le lendemain devant la place avec son armée en bataille. Quand ses soldats apprirent la fuite des ennemis, et qu’ils virent le port entièrement vide, ils ne purent s’empêcher de rire de la lâcheté de Magon, et firent publier par la ville qu’on donnerait une récompense à celui qui leur apprendrait où s’était sauvée la flotte des Carthaginois.

Cependant Icétas voulait lutter encore, et s’obstinait à ne pas lâcher prise, résolu de se défendre dans les quartiers de la ville qu’il occupait ; postes bien fortifiés, et qui pouvaient résister à un assaut. Alors Timoléon partage son armée en trois corps, et, à la tête du pre-