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à le détruire en l’attaquant de front dans une si grande multitude qui en était infectée : il le prit de biais, et l’attaqua en détail. Il fit estimer les habillements, les voitures, les ornements des femmes avec tous leurs autres meubles ; chacun de ces objets qui valait plus de quinze cents drachmes[1], il le portait à une valeur décuple, et il en réglait la taxe d’après cette estimation. Sur mille as, il en faisait payer trois d’imposition, afin que les riches, se sentant grevés par cette taxe, et qui voyaient les citoyens simples et modestes payer, avec une fortune égale à la leur, beaucoup moins au trésor public, se réformassent d’eux-mêmes. Il encourut donc la haine, et de ceux qui se soumettaient à la taxe pour ne pas renoncer au luxe, et de ceux qui renonçaient au luxe pour s’affranchir de l’impôt. La plupart des hommes croient qu’on leur enlève leurs richesses quand on les empêche de les montrer ; car ils ne les étalent jamais que dans le superflu, et non dans les choses nécessaires. Le philosophe Ariston s’étonnait qu’on regardât comme heureux les hommes qui possèdent le superflu, plutôt que ceux qui ont abondamment le nécessaire et l’utile. Un ami de Scopas le Thessalien lui demandait quelque chose dont il faisait peu d’usage, en lui disant que ce n’était rien de nécessaire ni d’utile. « Mais, dit Scopas, c’est par ces choses inutiles et superflues que je suis heureux et riche. » Tant il est vrai que l’amour de la richesse ne tient point par un lien à aucune de nos affections naturelles, et qu’il s’introduit en nous par l’effet d’une opinion vulgaire, et qui se glisse du dehors !

Cependant Caton méprisait toutes les plaintes, et ne se montrait que plus rigide. Il supprima tous les conduits qui détournaient dans les maisons ou dans les jardins des particuliers l’eau des fontaines publiques. Il renversa et

  1. Environ treize cent cinquante francs de notre monnaie.