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et Lucius ordonne au licteur de trancher la tête au condamné. Tel est le récit de la plupart des historiens ; et Cicéron, dans le dialogue sur la Vieillesse, le fait raconter ainsi par Caton lui-même[1]. Tite-Live dit que la victime fut un transfuge gaulois, et que ce ne fut pas le licteur qui le tua, mais Lucius de sa propre main ; que tel était le récit consigné par Caton dans son discours.

Lucius donc ayant été chassé du Sénat, son frère Titus Flamininus, vivement affecté de cet affront, eut recours au peuple, et demanda que Caton déclarât publiquement le motif de l’expulsion. Caton s’expliqua : il raconta ce qui s’était passé dans le festin ; et, Lucius ayant nié le fait, Caton lui déféra le serment. Lucius refusa, et demeura convaincu publiquement d’avoir mérité sa punition. Mais, un jour qu’il y avait des jeux au théâtre, Lucius traversa les places réservées aux consulaires, et alla s’asseoir beaucoup plus loin. Le peuple, touché de son humiliation, se mit à crier qu’il revint, et le força de reprendre son ancienne place, guérissant, autant qu’il se pouvait faire, et adoucissant l’affront qu’il avait reçu.

Caton chassa aussi du Sénat Manilius, que l’opinion publique désignait pour être consul l’année suivante ; le motif, c’est qu’il avait donné, en plein jour, un baiser à sa femme devant sa fille. « Ma femme, dit-il alors, ne m’a jamais embrassé que lorsqu’il faisait un grand tonnerre. » Et il ajouta en plaisantant : « Je ne suis heureux que lorsque Jupiter tonne. » Mais on soupçonna Caton d’obéir à l’envie quand il ôta le cheval au frère du grand Scipion, à Lucius, un homme qui avait obtenu les honneurs du triomphe : on crut qu’il ne l’avait fait que pour insulter à la mémoire de Scipion l’Africain.

Mais c’est surtout par la réforme du luxe que Caton offensa généralement les citoyens. Il y avait impossibilité

  1. De Senect., 12 ; voyez Tite-Live, XXXIX, 42.