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Tous les autres regardaient comme indigne des Romains d’acheter, à prix d’argent, l’alliance des Barbares. « Il n’y a là, dit Caton, rien de déshonorant : vainqueurs, nous paierons avec l’argent des ennemis, et non avec le nôtre ; si nous sommes défaits, ni ceux dont on exige la somme ne seront plus, ni ceux qui l’exigent. » Il remporta une victoire complète, et tout le reste lui succéda à souhait. Il fit raser, en un seul jour, suivant Polybe, les murailles de toutes les villes qui sont en deçà du fleuve Bétis : elles étaient en grand nombre, et peuplées d’hommes belliqueux. Caton dit lui-même qu’il avait pris en Espagne plus de villes qu’il n’y avait passé de jours ; et ce n’est pas une forfanterie, puisqu’il en avait réellement pris quatre cents. Outre le butin considérable que ses soldats avaient fait dans ces expéditions, il leur distribua par tête une livre pesant d’argent : « Il vaut mieux, dit-il, que beaucoup de Romains s’en retournent avec de l’argent, qu’un petit nombre avec de l’or. » Pour lui, il assure qu’il ne lui était revenu, de tout le butin, que ce qu’il avait bu ou mangé. « Ce n’est pas, disait-il, que je blâme ceux qui profitent de ces occasions pour s’enrichir ; mais j’aime mieux rivaliser de vertu avec les plus gens de bien, que de richesse avec les plus opulents, et d’avidité avec les plus avares. » Il se conserva pur de toute concussion, non-seulement lui-même, mais tous ceux qui dépendaient de lui. Il avait mené avec lui, à l’armée, cinq de ses serviteurs. Un d’eux, nommé Paccus, avait acheté trois jeunes enfants d’entre les prisonniers. Il sut que Caton en était instruit, et se pendit plutôt que de reparaître à sa vue. Caton vendit les enfants, et en rapporta le prix dans le trésor public.

Pendant qu’il était encore en Espagne, le grand Scipion, qui était son ennemi, voulant arrêter ses succès et prendre en main la conduite de cette guerre, vint à bout