Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/246

Cette page a été validée par deux contributeurs.

voluptueux voulait se lier avec lui ; Caton s’y refusa : « Je ne saurais, lui dit-il, vivre avec un homme qui a le palais plus sensible que le cœur. »

Il disait que l’âme d’un homme amoureux vivait dans un corps étranger, et que, dans toute sa vie, il ne s’était repenti que de trois choses : la première, d’avoir confié un secret à une femme ; la seconde, d’être allé par eau où il eût pu aller par terre ; la troisième, d’avoir passé un jour entier sans rien faire. « Mon ami, dit-il un jour à un vieillard de mauvaises mœurs, la vieillesse a assez d’autres difformités sans y ajouter celle du vice. » Un tribun du peuple, soupçonné du crime d’empoisonnement, proposait une mauvaise loi, et s’efforçait de la faire passer. « Jeune homme, lui dit Caton, je ne sais lequel est pire, ou de boire ce que tu mixtionnes, ou de ratifier ce que tu écris. » Injurié par un homme qui menait une vie licencieuse et criminelle : « Le combat, lui dit-il, est inégal entre toi et moi ; tu écoutes volontiers les sottises, et tu en dis avec plaisir ; moi, je n’aime pas à en dire, et je n’ai pas l’habitude d’en entendre. »

Tel est le caractère des reparties de Caton.

Nommé consul avec Valérius Flaccus, son ami, il lui échut, par le sort, le gouvernement de l’Espagne que les Romains appellent citérieure[1]. Là, il commençait à soumettre une partie de ces nations par les armes, et il attirait les autres par la persuasion, lorsqu’il fut tout à coup assailli par une nombreuse armée de Barbares, et se vit en danger d’essuyer une défaite honteuse. Il envoya solliciter l’alliance des Celtibériens du voisinage ; et les Celtibériens exigèrent deux cents talents[2] pour salaire du secours qu’il demandait.

  1. C’est l’Espagne en deçà du Bétis, aujourd’hui Guadalquivir.
  2. Environ douze cent mille francs de notre monnaie.