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Un jour le peuple romain réclamait instamment et hors de propos une distribution de blé ; Caton, qui voulait l’en détourner, commença ainsi son discours : « Citoyens, il est difficile de parler à un ventre qui n’a point d’oreilles. » Une autre fois, dénonçant la dépense prodigieuse que les Romains faisaient pour leur table : « Il est malaisé, dit-il, de sauver une ville où un poisson se vend plus cher qu’un bœuf. » Il comparait les Romains aux moutons : « Les moutons, disait-il, chacun en particulier, n’obéissent pas au berger ; mais ils suivent tous ensemble leurs conducteurs. De même les hommes que chacun de vous ne voudrait pas prendre en particulier pour conseil, quand vous êtes ensemble, vous vous laissez conduire par eux. » Dans un discours contre l’autorité excessive des femmes : « Tous les hommes, dit-il, commandent aux femmes, nous à tous les hommes, et nos femmes à nous. » Ce mot, du reste, n’était que la traduction de celui de Thémistocle[1]. Le fils de Thémistocle faisait de son père ce qu’il voulait, par le moyen de sa mère. « Ma femme, disait-il, les Athéniens commandent aux Grecs, moi aux Athéniens, toi à moi, et ton fils à toi : qu’il use donc sobrement d’une puissance qui l’élève, tout fou qu’il est, au-dessus de tous les Grecs. » Caton disait que le peuple romain mettait le prix non-seulement à la pourpre, mais encore aux divers genres d’étude. « Comme les teinturiers, disait-il, donnent plutôt aux étoffes la couleur pourpre, parce qu’elle est la plus recherchée, de même les jeunes gens apprennent et recherchent avec plus d’ardeur ce qui est l’objet de vos louanges. »

« Si c’est par la vertu et la sagesse, disait-il aux Romains, que vous êtes devenus grands, je vous exhorte à ne pas changer pour être pires ; si c’est par l’intempé-

  1. Voyez la Vie de Thémistocle dans le premier volume.