Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/236

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Lorsque Fabius Maximus prit Tarente, Caton, fort jeune encore[1], servait sous lui ; il y fut logé chez un certain Néarque, pythagoricien, et désira de l’entendre exposer ses doctrines. Néarque développa ces principes, qui sont aussi ceux de Platon : Que la volupté est la plus grande amorce pour le mal ; que le corps est le premier fléau de l’âme, qui ne peut s’en délivrer et se conserver pure que par les réflexions qui la séparent et l’éloignent, le plus qu’il est possible, des affections corporelles. Ces discours fortifièrent davantage encore dans Caton l’amour de la tempérance et de la frugalité. Du reste, ce n’est que fort tard, dit-on, qu’il s’appliqua à l’étude des lettres grecques, et il était d’un âge très-avancé lorsqu’il se mit à lire les auteurs grecs ; il profita un peu de la lecture de Thucydide, et beaucoup plus de celle de Démosthène, pour se former à l’éloquence. Du moins ses écrits sont enrichis çà et là de maximes et de traits d’histoire tirés des livres des Grecs ; et il y a, dans ses apophtegmes et ses sentences morales, plus d’un passage qui en est traduit mot à mot.

Il y avait alors à Rome un citoyen distingué entre tous par sa noblesse et son crédit, le plus capable de discerner une vertu naissante, le plus propre, par sa douceur, à la développer et à la pousser vers la gloire : c’était Valérius Flaccus. Ses terres confinaient à celles de Caton, et il avait appris de ses serviteurs comment Caton travaillait de ses mains, et sa façon de vivre. Il s’en va de grand matin, disaient-ils à Valérius étonné, dans les villes voisines plaider pour ceux qui l’en prient ; il revient dans son champ, et là, vêtu d’une simple tunique pendant l’hiver, nu si c’est l’été[2], il laboure avec ses domestiques, et, après le travail, s’assied à la même table

  1. Il avait alors vingt-trois ans.
  2. Nudus ara, sere nudus. (VIRG.)