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mais il reste quelque chose de plus important à faire : c’est de prendre l’Asie dans l’Europe, en faisant voile vers l’Hellespont sans perdre de temps, et en rompant le pont de bateaux. » À cette proposition, Aristide se récrie ; il veut qu’on rejette bien loin un pareil projet, et qu’on cherche, au contraire, un moyen de chasser au plus tôt le Mède hors de la Grèce, de peur que, s’y voyant enfermé sans aucune voie ouverte pour fuir, alors qu’il lui restait encore une si puissante armée, la nécessité ne le portât à se défendre en désespéré. Thémistocle envoie donc une seconde fois à Xerxès un homme de confiance[1] : c’était l’eunuque Arnacès, un des prisonniers ; il le charge de dire secrètement au roi que les Grecs voulaient à toute force aller rompre le pont, mais que Thémistocle les avait détournés de ce dessein, parce qu’il s’intéressait au salut du roi. Xerxès, rempli de frayeur à cette nouvelle, se hâta de regagner l’Hellespont.

Mardonius fut laissé en Grèce avec les meilleures troupes de l’armée, au nombre d’environ trois cent mille hommes. C’étaient des ressources vraiment formidables ; il fondait sur son infanterie de magnifiques espérances, et il écrivait aux Grecs des lettres pleines de menaces : « Vous avez vaincu, sur des bâtiments de mer, des hommes accoutumés à combattre sur terre, et qui ne savent pas manier la rame. Mais aujourd’hui nous avons devant nous les immenses campagnes de la Thessalie ; et la Béotie offre à notre cavalerie et à nos gens de pied de magnifiques plaines où déployer leur courage. » Il écrivit en particulier aux Athéniens pour leur promettre, de la part du roi, de rebâtir leur ville, de leur donner de grandes sommes d’argent, et de leur assurer l’empire de la Grèce, s’ils voulaient renoncer à la guerre.

  1. Il avait déjà envoyé Sicinus.