Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/200

Cette page a été validée par deux contributeurs.

toute espèce, et de butin précieux : Aristide n’eut pas même la pensée d’y toucher, et ne permit à personne d’y porter la main. Il ne laissa pas d’y en avoir qui en prirent à son insu, et s’y enrichirent ; entre autres Callias le porte-flambeau[1]. Un des Barbares l’avait pris apparemment pour un roi, à sa longue chevelure et au bandeau qui lui ceignait la tête : il se prosterna devant lui, puis il le conduisit par la main, et lui montra une grande quantité d’or enfoui dans un puits. Callias se comporta dans cette occasion comme le plus cruel des hommes et le plus injuste : il enleva l’or, et tua le Barbare de peur qu’il n’en dît rien à d’autres. C’est de là, dit-on, que les poëtes comiques donnèrent le nom de Laccoplutes aux descendants de Callias, par une allusion plaisante au lieu d’où il avait tiré cet or[2].

Peu de temps après la bataille, Aristide fut élu archonte éponyme. Toutefois, à en croire Démétrius de Phalère, l’archontat d’Aristide ne précéda guère sa mort, et fut postérieur à la bataille de Platée ; mais, dans les registres publics, à la suite de l’archonte Xanthippide, sous lequel Mardonius fut battu à Platée, on ne trouve pas une seule fois, dans une longue succession d’archontes, le nom d’Aristide, au lieu qu’il y suit immédiatement celui de Phanippus, sous lequel fut remportée la victoire de Marathon.

De toutes les vertus d’Aristide, celle que le peuple ressentait le mieux, c’était sa justice, parce que l’usage de cette vertu est plus habituel, et que les effets s’en répandent sur plus de monde. Il lui dut, lui, homme pauvre et sorti des rangs du peuple, le plus royal et le plus

  1. Le porte-flambeau était un des prêtres qui présidaient à la célébration des mystères de Cérès.
  2. Le mot λάκκος signifie un trou profond, une mare, une citerne, un puits, et le mot πλοῦτος, richesse.