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pays à feu et à sang. Les Athéniens nommèrent pour cette guerre dix généraux. Miltiade était le premier en dignité, Aristide le second en réputation et en crédit. Miltiade proposa de livrer bataille ; et Aristide, en se rangeant à son avis dans cette circonstance, ne contribua pas peu à le faire prévaloir. Chaque général commandait un jour l’armée : quand vint le tour d’Aristide, il céda le commandement à Miltiade, montrant par là à ses collègues que ce n’est pas chose honteuse de se soumettre aux sages et de leur obéir, mais honorable plutôt et salutaire. Par ce moyen, il apaisa toutes leurs rivalités ; et, en les engageant à suivre avec plaisir les conseils du plus expérimenté, il fortifia l’autorité de Miltiade, qui eut à lui seul, sans interruption, le commandement de l’armée ; car les autres généraux renoncèrent au droit qu’ils avaient de commander chacun leur jour, et se mirent sous ses ordres.

Dans la bataille, le centre de l’armée athénienne eut surtout à souffrir ; et c’est là que les Barbares portèrent le plus longtemps tous leurs efforts, contre les tribus Léontide et Antiochide. Thémistocle, qui était de la première, et Aristide de la seconde, placés à côté l’un de l’autre, firent à l’envi des prodiges de valeur. Les Barbares furent mis en pleine déroute et repoussés jusque dans leurs vaisseaux ; mais, au lieu de faire voile vers les îles, les vents et les courants de la mer les emportaient à la dérive vers l’intérieur de l’Attique. À cette vue, les Athéniens craignirent qu’ils ne trouvassent Athènes vide de défenseurs ; neuf des tribus furent dirigées sur la ville, et firent une telle diligence, qu’elles y arrivèrent le jour même. Aristide, laissé seul à Marathon avec sa tribu pour garder les prisonniers et les dépouilles, ne démentit pas l’opinion qu’on avait de lui. L’argent et l’or étaient semés çà et là dans le camp ; les tentes et les vaisseaux qu’on avait pris regorgeaient de hardes de