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quand il est près d’eux, tout à coup ils se lèvent et se répandent tous ensemble, de tous côtés, autour de lui ; ils se mettent à lancer leurs traits, à frapper, à pousser ceux qui fuient, à lutter contre ceux qui restent fermes. Il n’y eut que les quarante Frégellans qui le firent. Les Étrusques avaient pris aussitôt la fuite ; eux ils firent, tous ensemble, face à l’ennemi ; et ils combattirent devant les consuls, jusqu’au moment où ils virent Crispinus, blessé de deux coups de javelot, tourner bride et s’enfuir, et Marcellus tomber le flanc traversé d’une de ces larges piques que les Latins appellent lances. Alors le peu de Frégellans qui restaient le laissèrent là étendu, et se sauvèrent au camp, en emportant son fils aussi blessé. Il n’y eut guère plus de quarante morts ; cinq licteurs et dix-huit cavaliers furent faits prisonniers. Crispinus ne survécut que peu de jours : il mourut aussi de ses blessures. Jamais pareil échec n’était arrivé aux Romains : c’était la première fois que dans une même affaire il leur pérît les deux consuls.

Pour Annibal, peu lui importait le sort des autres ; mais dès qu’il sut que Marcellus était tombé, il accourut sur les lieux ; et, debout près de son cadavre, il observa longtemps ses traits et la vigueur de ses membres, sans laisser échapper une parole insolente, sans laisser paraître aucun signe de la joie qu’il aurait pu éprouver en voyant mort un ennemi actif et dangereux. Seulement il témoigna son étonnement d’une mort aussi étrange et inattendue ; puis il lui ôta son anneau, couvrit son corps d’ornements convenables, l’ensevelit magnifiquement et le brûla. Après avoir renfermé ses restes dans une urne d’argent, sur laquelle il mit une couronne d’or, il les envoya au fils de Marcellus. Ceux qu’il en chargea rencontrèrent quelques Numides, qui voulurent leur enlever l’urne ; ils résistèrent ; les Numides usèrent de violence, mirent les armes à la main, et répandirent les ossements