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tions avec ses amis, avec ses collègues dans le commandement, sa seule prière aux dieux, c’était de tenir Annibal devant lui en bataille : une chose peut-être lui eût fait encore plus de plaisir, c’eût été de le combattre corps à corps au milieu des deux armées environnées d’un mur ou d’un retranchement. S’il n’avait été déjà comblé de tant de gloire, s’il n’avait donné mille preuves de gravité et de sagesse, autant que pas un général qu’il y eût, je dirais qu’il était tombé dans une maladie d’ambition digne d’un jeune homme plutôt que d’un homme de son âge ; car il avait plus de soixante ans lors de son cinquième consulat.

Cependant on fit les purifications et sacrifices ordonnés par les devins ; puis il sortit avec son collègue pour continuer la guerre. Campé entre les villes de Bantia et de Vénuse, il harcelait sans cesse Annibal. Celui-ci n’en venait jamais à un engagement ; mais, informé qu’ils avaient envoyé un détachement contre les Locriens épizéphyriens[1], il leur dressa une embuscade auprès de Pétilia[2], et leur tua deux mille sept cents hommes. Marcellus n’y tenait plus ; il lui fallait un combat : il leva le camp, et s’approcha de l’ennemi.

Il y avait entre les deux armées une colline qui offrait une forte position, mais qui était toute couverte de bois. Des deux côtés elle était flanquée de ravins ; au pied, on voyait couler des sources d’eau vive. Les Romains s’étonnaient qu’Annibal, arrivé le premier, ne se fût pas saisi d’une position aussi avantageuse, et qu’il l’eût laissée à l’ennemi. C’est qu’il avait bien trouvé cet endroit propre à l’assiette d’un camp, mais plus propre encore à une embuscade ; et c’est l’usage qu’il avait préféré d’en faire.

  1. C’est-à-dire occidentaux.
  2. C’était une petite ville située sur la côte, au-dessus de Crotone : on en rapportait la fondation à Philoctète.