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et d’en avoir fait un peuple d’oisifs et de babillards, se piquant de bon ton, parlant arts et artistes, perdant ainsi la plus grande partie de la journée. Cependant il s’en glorifiait, même aupres des Grecs : « Les chefs-d’œuvre admirables de la Grèce, disait-il, les Romains ne les connaissaient point ; et c’est moi qui ai accoutumé les Romains à les estimer et à les admirer. »

Les ennemis de Marcellus s’opposèrent à ce qu’il triomphât. Lui-même, sachant bien qu’il avait laissé quelque chose à faire en Sicile et qu’un troisième triomphe[1] exciterait l’envie, céda et consentit à célébrer le grand triomphe sur le mont Albain, et à ne rentrer dans Rome qu’avec les cérémonies du petit triomphe, que les Grecs appellent évan, et les Romains ovation. L’orateur ne s’avance pas monté sur un quadrige, couronné de laurier, au son de la trompette, mais à pied, en sandales, accompagné d’une troupe de joueurs de flûte, et couronné de myrte : spectacle qui n’a rien de guerrier, plus agréable à la vue que terrible. C’est là une bien grande preuve, selon moi, que les anciens avaient distingué ces deux triomphes, moins par la grandeur des actions que par la manière dont on les avait accomplies. Si un général avait vaincu l’ennemi en bataille rangée, et avec un grand carnage, alors il rentrait, ce semble, entouré de cette pompe martiale et terrible, suivi de ses soldats portant sur leurs têtes et sur leurs armes des couronnes de laurier, comme c’était la coutume dans la purification des camps. Mais au général qui n’avait pas eu besoin d’employer la force

  1. Il y a peut-être une faute à cet endroit dans le texte. On ne voit pas que Marcellus eût triomphé déjà plus d’une fois. Plutarque n’a encore parlé que du triomphe sur les Gaulois et leur roi Viridomarus et nulle part on ne trouve aucune mention d’un deuxième triomphe. Mais, comme Plutarque revient une seconde fois à son dire, et parle plus bas des trois triomphes de Marcellus, on est fondé à croire qu’il avait ses raisons pour lui attribuer cette triple gloire.