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chimède choisit une des galères du roi, et la fit amener à terre à grand’peine et à force de bras ; puis il y fit monter beaucoup de monde et mettre la charge ordinaire. Cependant lui-même s’assit à quelque distance ; puis, sans effort, il mit en mouvement avec la main tout doucement l’extrémité d’une machine à cordes et à poulies, et tira à lui la galère comme si elle eût glissé sans secousse sur la surface unie de la mer. Le roi, émerveillé à cette vue, et comprenant la puissance de l’art, engagea Archimède à lui préparer des machines propres à toute espèce de sièges, soit pour la défense, soit pour l’attaque. Toutefois Hiéron ne s’en servit pas, puisqu’il passa la plus grande partie de sa vie sans guerre et dans les pompes de la paix ; mais en ces circonstances ces préparatifs se trouvèrent faits fort à propos pour les Syracusains, qui, outre les machines préparées, avaient encore l’inventeur des machines.

À la double attaque des Romains, Syracuse, frappée de stupeur, demeura muette d’épouvante ; elle n’avait rien à opposer à tant de forces, à une aussi puissante armée. Archimède lâcha ses machines. Aussitôt l’armée de terre fut assaillie d’une grêle de traits de toute espèce, de pierres énormes lancées avec une impétuosité, une roideur incroyables : nul ne pouvait résister à leur choc ; elles renversaient tous ceux qui en étaient atteints, et portaient le désordre dans les rangs. Quant à la flotte, tantôt c’étaient des antennes qui apparaissaient tout à coup du haut des murailles, et s’abaissaient sur des vaisseaux, pesant d’en haut par l’impulsion qui leur était donnée et par leur propre poids, et les coulant à fond ; tantôt des mains de fer ou des becs de grue qui les enlevaient et, les tenant tout droits, la proue en haut et la poupe en bas, les plongeaient dans les flots ; ou bien par un mouvement de réaction, les vaisseaux tournaient sur eux-mêmes et se brisaient ensuite contre les écueils et les