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mantelé plusieurs villes de la Thessalie, et imposé des garnisons aux peuples de la Phthiotide, de l’Achaïe, de la Magnésie. Informées du retour de Pélopidas, les villes envoyèrent des députés à Thèbes, demandant des troupes et Pélopidas pour général : ce que les Thébains votèrent avec empressement. Tout avait été prêt en peu de temps, et le général allait se mettre en campagne, lorsqu’il survint une éclipse de soleil, et que la ville, en plein jour, fut couverte de ténèbres[1]. Pélopidas alors, voyant que ce phénomène troublait tous les esprits, ne voulut pas faire violence aux sentiments d’hommes épouvantés, et qui avaient perdu toute confiance, et s’en aller jeter ainsi, dans une expérience trop périlleuse, sept mille citoyens. Il se dévoua seul pour les Thessaliens ; il ne prit avec lui que trois cents cavaliers, Thébains volontaires ou étrangers, et partit, malgré les devins et malgré les désirs de ses concitoyens : car ce phénomène céleste paraissait un signe terrible, et qui menaçait quelque grand personnage. Mais il était trop vivement animé contre Alexandre par le ressentiment des outrages qu’il en avait reçus ; il espérait, d’ailleurs, trouver sa maison en désarroi, et troublée de quelque mal intérieur, à cause des entretiens qu’il avait eus avec Thébé. Mais ce qui l’excitait le plus, c’était la beauté de l’action en elle-même. Dans un temps où les Lacédémoniens envoyaient à Denys, tyran de Sicile, des généraux et des harmostes, où les Athéniens se mettaient à la solde d’Alexandre, et lui érigeaient, comme à un bienfaiteur, une statue d’airain, son désir, son ambition était de montrer aux Grecs que les Thébains seuls n’entreprenaient leurs expéditions qu’en faveur des opprimés, et pour mettre fin, entre les races helléniques, aux dominations illégales et violentes.

  1. Cette éclipse arriva l’an 365 ou 364 avant J.-C.