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consentir le roi à ses propositions, et sans avoir rien accepté de tant de présents, hormis ce qui pouvait être pour lui un simple gage d’amitié et de bienveillance. C’est ce qui surtout jeta le blâme sur les autres ambassadeurs. Celui d’Athènes, Timagoras, fut mis en accusation, condamné à mort et exécuté : jugement juste et raisonnable, si réellement il n’eut d’autre motif que la quantité des présents qu’il avait reçus. Car, ce n’était pas seulement de l’or et de l’argent qu’il avait accepté, mais même un lit magnifique et des serviteurs habiles à le préparer, parce que les Grecs ne savaient point le faire ; et en outre quatre-vingts vaches et des pâtres, parce qu’il avait une maladie qui l’obligeait à se servir de lait de vache ; enfin il était revenu jusqu’à la mer en se faisant porter dans une litière, aux porteurs de laquelle le roi avait payé quatre talents[1]. Mais il paraît que ce ne sont point toutes ces libéralités reçues par lui qui irritèrent le plus les Athéniens. Car, un jour, Épicrate, le portefaix, avoua qu’il avait reçu du roi des présents, et déclara même qu’il rédigerait la proposition d’élire chaque année, au lieu de neuf archontes, neuf personnes du peuple, et tout à fait pauvres, qui iraient en ambassade auprès du roi, afin qu’il les enrichît par ses présents ; et le peuple n’avait fait qu’en rire. Ce qui mécontentait les Athéniens, c’est que tout avait réussi aux Thébains ; car ils ne considéraient pas combien la réputation de Pélopidas devait l’emporter sur de belles phrases et de beaux discours auprès d’un homme qui recherchait toujours ceux qui l’emportaient par les armes.

Cette ambassade ajouta à l’affection qu’on portait à Pélopidas, car on lui devait la reconstruction de Messène et l’indépendance de tous les Grecs. Cependant, Alexandre de Phères était revenu à son naturel : il avait dé-

  1. Environ vingt-quatre mille francs de notre monnaie.