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de Corcyre, et un dixième fourni par les Leucadiens. Une nuit qu’il voguait en pleine mer par un vent favorable, il crut voir le ciel s’entrouvrir tout à coup et verser une flamme abondante, et qui brillait d’un vif éclat. Cette flamme s’allongea en forme de torche ardente semblable à celles qu’on allume dans les mystères ; elle courut à côté de la flotte et dans sa direction, et finit par se perdre à l’endroit même de la côte d’Italie où voulaient aborder les pilotes. Les devins déclarèrent que cette apparition confirmait les songes des prêtresses de Proserpine, et que les déesses avaient fait briller du ciel cette lumière pour montrer qu’elles mettaient, elles aussi, la main à l’expédition ; car, disaient-ils, la Sicile est consacrée à Proserpine. C’est là en effet que s’accomplit, suivant certaines traditions, l’enlèvement de la déesse ; et l’île lui fut donnée pour présent de noces.

Voilà par quels présages les dieux remplirent de confiance les soldats de la flotte. On fit donc diligence ; et on eut bientôt franchi la mer et abordé en Italie.

Mais les nouvelles que Timoléon y reçut de Sicile le jetèrent dans une grande perplexité, et l’armée dans un découragement profond. Icétas avait vaincu Denys en bataille rangée ; il s’était rendu maître de presque tous les quartiers de Syracuse : Denys était confiné dans la citadelle et ce qu’on nomme l’île ; et Icétas l’y assiégeait et l’y investissait d’une muraille. D’un autre côté les Carthaginois, sur les instances de celui-ci, veillaient à empêcher Timoléon d’aborder en Sicile : ces ennemis repoussés, on devait faire à l’amiable et à l’aise le partage de l’île. Les Carthaginois envoyèrent donc à Rhégium vingt trirèmes portant des députés qu’Icétas adressait à Timoléon, et qu’il avait chargés d’instructions analogues à sa conduite. Ce n’étaient que propositions captieuses, que belles paroles propres à couvrir la perversité de ses desseins. Ils demandaient que Timoléon vînt seul, s’il le