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que l’argent : c’était de tenter quelque chose de plus grand ; de fondre à l’improviste sur le Pirée, tandis que les Athéniens n’étaient pas sur leurs gardes, et de s’en emparer : rien ne pouvait, disait-il, être plus agréable aux Lacédémoniens que de se voir maîtres d’Athènes ; et les Thébains, qui en voulaient aux Athéniens, parce qu’ils se croyaient alors trahis par eux, ne leur donneraient aucun appui. En un mot, Sphodrias se laissa persuader, et pendant la nuit il se jeta dans l’Attique à la tête de ses troupes, et s’avança jusqu’à Eleusis. Mais, arrivés là, ses gens eurent peur ; il fut découvert, et retourna à Thespies, après avoir attiré aux Spartiates des embarras difficiles à démêler et une rude guerre à soutenir.

Dès lors, les Athéniens s’empressèrent de renouveler leur alliance avec les Thébains ; ils reprirent la mer, et s’en allèrent çà et là excitant et attirant à eux tous ceux des Grecs qui voulaient se détacher du parti de Sparte. Les Thébains, de leur côté, en venaient chaque jour aux mains avec les Lacédémoniens ; ils ne livraient point de grandes batailles rangées : mais c’étaient des actions dans lesquelles ils s’exerçaient et faisaient leur apprentissage ; ils affermissaient leur courage, endurcissaient leurs corps, acquéraient de l’expérience par la fréquence de ces escarmouches, et de la confiance en eux-mêmes. Aussi l’on rapporte que le Spartiate Antalcidas, voyant Agésilas revenir blessé de la Béotie, lui dit : « Certes tu reçois un beau salaire des leçons que tu as données aux Thébains en leur apprenant, malgré eux, à faire la guerre et à combattre. » Il n’est cependant pas vrai de dire que ce soit Agésilas qui leur ait donné ces leçons ; ce sont ceux de leurs chefs qui choisissaient prudemment pour les lancer contre l’ennemi, comme on fait les chiens de chasse, des occasions favorables, et qui, après leur avoir fait goûter le plaisir de la victoire, les ramenaient en sûreté dans leurs maisons, pleins d’audace et de confiance ;