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Alors voyant qu’Archias ne pouvait lui dire rien de précisât pensant bien en lui-même que les indications ne lui avaient été données par aucun de ceux qui étaient au courant de l’affaire, il reprit : « Gardez donc que ce ne soit qu’un vain bruit, imaginé pour troubler vos plaisirs. Au reste, j’y veillerai, car, après tout, il ne faut rien négliger. » Philidas, qui se trouvait là, approuva cet avis ; il emmena Archias, il l’excita à boire sans mesure ; et il entretenait l’ardeur des convives, en parlant des femmes qu’il allait faire amener.

Charon retourna chez lui, et trouva les conjurés tout prêts, non pas comme des hommes qui eussent espéré échapper au péril et remporter la victoire, mais comme des gens déterminés à mourir glorieusement en vendant chèrement leur vie. Il conta la chose à Pélopidas, sans rien déguiser ; mais il ne dit pas la vérité aux autres ; il leur fit entendre que son entretien avec Archias avait eu un objet différent[1]

Ce danger à peine passé, la Fortune leur en suscita un autre. Il arriva d’Athènes pour Archias, de la part de l’hiérophante, comme lui nommé Archias, son hôte et son ami, un messager porteur d’une lettre qui contenait, non point une simple conjecture ou un soupçon vague et mal imaginé, mais des renseignements précis sur tout ce qui se passait, comme la suite le fit bien connaître. Archias était alors dans une complète ivresse : et, quand le messager lui dit, en lui remettant cette lettre, que celui qui la lui adressait l’engageait à la lire sur-le-champ, parce qu’il s’agissait d’affaires sérieuses : « À demain les affaires sérieuses ! » répondit-il. Puis il prit la lettre, la mit sous son oreiller, et continua avec

  1. Plutarque, dans le traité du démon de Socrate, dit au contraire que Charon revint auprès des conjurés, le visage riant, et leur raconta toute la conversation, et sans déguisement ni réticence.