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vivre dans le célibat. Pélopidas, au contraire, avait fait un brillant mariage ; il avait des enfants ; mais il n’en devint ni moins insouciant d’augmenter sa fortune, ni moins dévoué à tous les instants au service de sa patrie. Il avait perdu de son opulence, et ses amis l’en blâmaient, disant qu’il avait tort de ne point s’occuper d’une chose nécessaire, la possession de ses biens : « Nécessaire, oui certes ! mais pour Nicodème que voici, » répondit-il en leur montrant un homme aveugle et boiteux.

Ils étaient nés avec des dispositions égales pour tous les genres de mérite ; seulement Pélopidas préférait les exercices du corps, Épaminondas ceux de l’esprit ; leurs loisirs, il les employaient l’un à la palestre et à la chasse, l’autre à écouter les philosophes, et à mettre leurs leçons en pratique. Ils ont des titres nombreux et éclatants à la gloire ; mais, au jugement des hommes sensés, il n’y a en eux rien d’aussi grand que l’affection et l’amitié qu’ils conservèrent l’un pour l’autre sans altération jusqu’à la mort, au milieu de tant de combats et de tous ces commandements militaires, de toutes ces magistratures politiques qui remplirent leur vie. Jetez les yeux sur la carrière politique d’un Aristide, d’un Thémistocle, d’un Cimon, d’un Périclès, d’un Nicias : que de dissentiments, de jalousies et de haines réciproques ! Considérez, au contraire, l’affection et les égards mutuels de Pélopidas et d’Épaminondas, et vous accorderez avec justice et avec raison le nom de collègues dans l’administration civile et dans le commandement militaire, bien plus à ceux-ci qu’aux premiers, lesquels ont passé leur vie à lutter, à vaincre les uns contre les autres, bien plus encore qu’à vaincre les ennemis de l’État. Cela vient de leur vertu réelle : le but de leurs actions, ce n’était point la gloire et la richesse, cette source de jalousies, de querelles et de divisions ; ils s’étaient épris, dès leur jeunesse, d’un amour divin pour leur patrie ; tous deux